Bambou Auvergne

A la conquête du Fargesia scabrida – Partie 2

Cette première soirée à Tangjiahe fut mémorable, la gentillesse et la disponibilité du responsable de l’Hôtel nous a permis d’apprendre plein d’informations sur cette superbe région de Qingchuan, les pandas et même sur les bambous. Il faut noter que les habitants des zones rurales chinoises connaissent parfaitement bien leur environnement et le nom des plantes qui les entourent. Il est alors facile de savoir quel type de bambous se trouvent dans le secteur. Nous avons donc appris que tout autour de notre petit hôtel, nous allions trouver du Phyllostachys bambusoides ‘lacrima deae’ et du Bashania fargesii. Mais la discussion avec notre hôte s’orienta rapidement sur le sujet des pandas géants. Nous apprîmes alors que nous n’aurions quasiment aucune chance d’en apercevoir car ils se réfugient en altitude pour trouver plus de fraicheur en été et que les seuls adultes aperçus par des villageois dans la nature le sont en plein cœur de l’hiver. Par contre il nous raconta que les rencontres les plus sympathiques arrivent à l’automne avec des pandas juvéniles d’environ deux ans qui viennent parfois se perdre non loin des maisons.
Notre hôte nous fit l’honneur de nous présenter son potager qui servait à la cuisine de l’hôtel et nous expliqua la culture des champignons sur les buches de bois croisées. Nous avons découvert également que les plus anciennes maisons du village étaient construites avec une ossature en bois et des murs en torchis dont la structure de base est un tissage de chaumes de bambous. Dans une ambiance aussi humide, nous lui demandons si ce genre de construction n’a pas tendance à se détériorer rapidement. Et nous sommes surpris d’apprendre que certains bâtiments ont plus d’une centaine d’année et que lui-même démonte l’ancienne maison familiale et que le bambou à l’intérieur des murs est parfaitement sec et qu’il s’en sert d’ailleurs pour allumer le feu.
Après une nuit de sommeil réparateur malgré l’extrême rigidité du couchage, réveil à 5 heures pour profiter de la fraicheur. Ce ne fût que de courte durée car, même à 1200 mètres d’altitude, la fonction hammam se met en route à 6h30 et la chaleur humide s’installe pour la journée.
Nous avions rendez-vous à l’entrée du parc naturel de la réserve de Tangjiahe et nous avons eu la surprise de voir un chauffeur avec son minibus détaché à notre service pour la journée entière. Grâce à cette attention nous avons gagné énormément de temps pour rejoindre les points GPS que nous avions repérés à l’avance dans des publications scientifiques pour l’amélioration de l’habitat des pandas géants. Avec ces précieuses indications, nous avons pu nous rendre directement sur la première station de Fargesia scabrida, à 1780mètres d’altitude. Juste avant d’arriver à cette première étape, nous avons rencontré le garde forestier responsable qui nous a confirmé notre autorisation de collecte pour deux exemplaires de Fargesia scabrida.
Le chauffeur ayant l’habitude de conduire dans la réserve ne manquait aucun animal et s’arrêté à chaque fois qu’il apercevait quelque chose et nous avons ainsi pu profiter de la présence de beaucoup d’animaux, et aussi et surtout de la présence dont on serait bien passé : des macaques du Tibet ! Ces derniers avaient choisi de s’épouiller gentiment sur un pont suspendu, après plus d’une heure de marche nous avons dû faire demi-tour et marcher deux heures de plus pour rejoindre l’endroit souhaité.
Après quelques péripéties et beaucoup de pauses pour profiter du paysage époustouflant, notre GPS indique que nous sommes arrivés. Un rapide coup d’œil et on trouve tout de suite la fameuse station. Le Fargesia scabrida est bien là ! Aucun doute possible, il n’a rien à voir avec le bambou qui porte son nom en Europe (souvent associé à Asian Wonder). Les feuilles sont plus larges et plus longues, les gaines de chaumes sont très courtes (environ 1/3 de la longueur de l’entrenœud) et orangées ; mais elles sont surtout quasiment persistantes, elles restent très longtemps en place sur les chaumes.
La seconde chose que nous constatons et qui est remarquable, c’est la grande longueur des cols de rhizomes, semblables aux plus longs cols des Yushania qui filent sur les rochers et semblent accrocher le bambou au-dessus du vide. Cette caractéristique justifie son reclassement dans le genre Yushania, il faudrait donc le nommer Yushania scabrida.
Le but était atteint, nous avions trouvé ce fameux bambou. Nous avons décidé de faire un prélèvement sur cette première station et de rejoindre le second point GPS pour collecter la seconde plante pour laquelle nous avions eu les autorisations. Après avoir encore une fois croisé des macaques qui ont essayé de voler le sac de Lihua, nous avons atteint assez facilement ce deuxième objectif. Et nous avions bien fait de choisir de ne faire qu’un prélèvement sur le premier point car nous avons trouvé plusieurs petits semis. Nous avons donc prélevé l’un d’entre eux, ce qui nous permet d’espérer quelques différences avec le premier prélèvement.
C’est donc avec deux bambous respectivement répertoriés ASA1820SICTAN-1 et ASA1820SICTAN-2 que le voyage retour pour l’Auvergne commence. Il faudra cinq jours avant de pouvoir rentrer, les obstacles aussi divers et variés semblant vouloir retarder au maximum l’arrivée en France de ces deux petits Fargesia scabrida. La première partie du voyage en bus fut très sympathique avec des voyageurs Chinois très curieux de savoir ce qu’un occidental était venu faire dans des villages aussi reculés. Mais rapidement, les pauses se sont enchainées pour déblayer les routes envahit de boue ou carrément éboulées en raison des pluies de mousson importantes en ce début d’été. Deux jours plus tard, malgré l’inondation de l’aéroport de Chengdu, je réussissais à décoller pour Pékin, puis de là, direction Amsterdam.
Je pensais qu’il ne me restait qu’un petit vol pour rejoindre Clermont-Ferrand, mais non ! Un bus a eu l’idée de reculer dans le train d’atterrissage de l’avion ! 24 heures de plus et une escale supplémentaire par l’aéroport de Roissy le lendemain. Après cinq jours de voyage pour rentrer à la maison, lorsque le pilote du dernier vol annonce que le vol Paris-Clermont risque de subir quelques perturbations en raison d’orages sur la région Auvergne, sur le coup je n’y prête pas attention. Pourtant il faudra trois tentatives au pilote pour atterrir enfin sur le tarmac après avoir rétabli l’avion de façon très impressionnante de nombreuses fois. Mais l’essentiel était ailleurs : ce voyage était un succès total et je retrouvais ma géniale super famille à l’aéroport.
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Images
Enfin nous pouvions voir le vrai Fargesia scabrida
Les gaines caulinaires orangées trois fois plus courtes que l’entrenoeud
Le feuillage du Fargesia scabrida dans son milieu naturel
Les cols très longs des rhizomes de Fargesia scabrida
LIEU DATE
La deuxième station de Fargesia scabrida était dans une vallée très encaissée
Des jeunes semis de Fargesia scabrida au milieu de la végétation
Heureusement l’eau était chaude!
Accès interdit! Faite demi tour et revenez à la case départ! Deux heures de marche suplémentaires!